Jean-Paul Desroches avec la collaboration de Huei-chung Tsao et Xavier Besse
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Dans l’atelier du potier Les os et la chair

Les os et la chair

Le corps

La terre

À base de toute céramique il y a l’argile. La plus commune se forme quand le granit riche en quartz, mica et feldspath, altéré par le vent et la pluie se délite pour former un dépôt qui, mêlé à de l’eau deviendra l’argile utilisée par le potier.
En Chine, les argiles sont différentes selon qu’elle proviennent du Nord ou du Sud. Les terres du Nord contiennent une forte proportion de kaolin, une terre blanche principalement composée de kaolinite assez peu plastique, responsable de leur forte compacité. Ces céramiques sont en général cuites à plus haute température que celles du Sud, en raison haute teneur en alumine, dont la température de fusion est très élevée.
Les terres du Sud sont pour leur part particulièrement riches en petuntse aussi appelé « pierre à porcelaine », une composition de quartz et de mica. La silice contenue dans le quartz se vitrifie et donne au tesson une texture comparable au sucre. Pauvres en alumine, les terres du Sud ne nécessitent pas une température aussi élevée que celles du Nord pour entrer en fusion.

Les terres cuites

Composées d’argile plastique mélangée à de la silice et à un fondant permettant d’abaisser la température de fusion à environ 800°C, les terres cuites sont par conséquent poreuses et relativement friables. Aussi, était-il d’usage la plupart du temps de les imperméabiliser en les revêtant d’une glaçure.

Les grès

Comme les terres cuites, les grès ont pour origine une argile plastique mélangée à de la silice et à un fondant, mais leur température de cuisson est plus élevée, et avoisine les 1200°C. Elle permet d’obtenir un corps dur et non poreux au tesson coupant. Revêtues d’une couverte, à ne pas confondre avec une glaçure, ces créations sont capables de supporter de hautes températures.

La porcelaine

La porcelaine résulte du mariage de deux éléments : le kaolin et le petuntse. Le kaolin est un feldspath décomposé jusqu’è devenir une argile réfractaire formée pour une moitié de particules de silice et pour l’autre d’alumine, ainsi que d’une légère teneur en fer. L’alumine portant le point de fusion à une haute température, il convient de mêler à cette terre un composant offrant des capacités de fusion plus accessibles : le petuntse. Celui-ci est de nature proche de celle du kaolin mais à un stade de décomposition moins avancé. Durant la cuisson, le petuntse formera une sorte de ciment destiné à enrober les particules de kaolin, « les os et la chair » tels que les surnomment les Chinois, confèrent à ces céramiques dureté et solidité.
Ce mélange survient au cours d’une phase appelée « mouillage », et produit une matière assez malléable. Celle-ci est soumise aux intempéries pendant une période pouvant s’étaler sur plusieurs années, et durant laquelle les composantes organiques de la pâte se dégraderont jusqu’à former une sorte de liant. Commence ensuite une phase de pétrissage répartie sur plusieurs étapes destinée à homogénéiser ce mélange. Dans un premier temps l’opération est effectuée dans une aire circulaire où un buffle devait piétiner la terre. Dans un second la matière obtenue est placée dans un bassin pavé et foulée, cette fois par des hommes. Le mélange obtenu est alors prêt à l’emploi.
Le terme de porcelaine s’applique aux céramiques dont le corps est composé des éléments décrits ci-dessus, et revêtu d’une couverte. Lorsque le corps est laissé nu, on parle de « biscuit ». Cette couverte est composée de petuntse finement pulvérisé mélangé à de la chaux et de la cendre de fougères. Cette similitude entre la composition du corps et celle de la couverte favorise leur étroite association durant une cuisson à température élevée atteignant 1350°C. L’œuvre née de cette fusion ressort du four blanche et revêtue d’une couverte transparente et brillante indissociable du corps.

La porcelaine de Dehua « blanc de Chine »

Cette porcelaine particulière, produite à Dehua dans la province du Fujian, possède un corps composé essentiellement de petuntse. Très pure dans cette région, cette argile peu plastique et difficile à travailler sur un tour est principalement utilisée pour la réalisation de pièces moulées en particulier les icônes bouddhiques. Certaines d’entre-elles cependant sont montées au tour, toutefois, en raison de leur manque de plasticité, il s’agit de pièces compactes et de taille réduite. La faible proportion d’oxyde de fer égale ou inférieure 0,2% alors qu’elle atteint 1% dans les porcelaines de Jingdezhen, permet au potier de Dehua d’opter pour un mode de cuisson en oxydation, à 1280°C, provoquant l’apparition d’une légère tonalité ivoire caractéristique. De même que pour les pièces de Jingdezhen, les porcelaines de Dehua sont revêtues d’une couverte dont la composition reste proche de celle du corps.

Le revêtement

Les glaçures

Les glaçures sont généralement employées sur les terres cuites et ne supportent que des températures de cuisson relativement basses, aux alentours de 900°C. Deux sortes de glaçures peuvent être distinguées suivant la nature du fondant qu’elles utilisent : les glaçures plombifères, les plus courantes en Chine, et les glaçures alcalines. Les premières résultant d’un fondant à base de plomb sont largement utilisées pour la réalisation des terres cuites funéraires des périodes Han (206 av.-220 de notre ère) et Tang (618-907). Les sancai colorés en jaune, brun, vert ou bleu sont sans doute les témoignages les plus fameux de ce type de glaçure. Les glaçures alcalines, plus rares, peuvent être monochrome comme les célèbres turquoises des Qing (1644-1911), ou polychromes alors dénommées sancai fahua, un genre particulièrement apprécié sous les Ming (1368-1644).

Les couvertes

Les couvertes constituent en général un revêtement vitrifié appliqué sur le corps. Utilisées pour les grès et les porcelaines, elles sont composées des mêmes éléments que le corps, mais avec une proportion de fondant supérieure afin d’abaisser leur point de fusion . Elles sont riches en minéraux propices à la vitrification, comme le quartz chargé en silice ou le feldspath en alumine. Ces couvertes peuvent être teintes à l’aide d’oxydes métalliques tels que le fer, le cuivre, le cobalt, le manganèse...
La classification des couvertes dépend du type de fondant qu’elles contiennent. Certaines comportent une forte proportion de chaux (15 à 17%), tels que les céladons de Yue, produits dans la province du Zhejiang, ou les proto-porcelaines de Xing originaire du Hebei. D’autres utilisent de la potasse en plus de la chaux, suivant une proportion allant de 6 à 12% de chaux et de 3 à 6% de potasse. Ces fondants plus efficaces permettent aux couvertes d’atteindre leur maturité de cuisson aux alentours de 1200-1250°C. Il en résulte un revêtement assez opacifié, généralement épais et onctueux Ces couvertes ont été utilisées sur de nombreux céladons, comme ceux de Yaozhou, créés par les potiers du Shaanxi en Chine septentrionale, ou ceux de Longquan dans la province du Zhejiang, au sud du fleuve Jaune.
Le dernier type de couverte en usage le plus pur est appliqué sur les porcelaines. Essentiellement composé de petuntse, il contient une forte proportion de chaux de 8 à 10% tenant lieu de fondant, qui lui confère une transparence totale à forte température.